Le 09 novembre 2022, la Cour de cassation précise les contours du devoir de mise en garde à la charge des établissements de crédit : pour évaluer la solvabilité du candidat emprunteur, la banque doit tenir compte de la valeur du bien immobilier financé grâce à l’emprunt.
Les faits de l’espèce :
Un particulier emprunte auprès d’une banque pour financer l’acquisition de sa résidence principale. Suite à des impayés, la banque prononce la déchéance du terme du prêt et assigne l’emprunteur en paiement. Sur le fondement de l’ancien article 1147 du Code civil, l’emprunteur demande des dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de mise en garde de la banque.
- La Cour d’appel se prononce en faveur de l’emprunteur : la banque n’a pas respecté son devoir de mise en garde, elle est condamnée à verser des dommages et intérêts d’un montant égal à la dette de l’emprunteur.
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt rendu par la Cour d’appel.
Les contours de l’obligation de mise en garde
Une jurisprudence constante depuis 2005 met à la charge des établissements de crédit un devoir de mise en garde, sous conditions. La banque ne peut être sanctionnée pour manquement à son obligation de mise en garde que si deux conditions sont remplies :
- L’emprunteur est considéré comme « non averti ». Les juges font une appréciation large de l’emprunteur non averti. Un client qui n’est pas habitué à contracter des emprunts, par exemple, est non averti.
- Le crédit est excessif eu égard aux capacités financières de l’emprunteur: la banque doit alors l’alerter sur le risque d’endettement auquel il s’expose.
En pratique :
- Si le crédit est adapté à la situation financière de l’emprunteur : pas de devoir de mise en garde.
- Si le crédit est disproportionné, il existe un risque d’endettement accru : le devoir de mise en garde s’applique.
C’est sur ce point que la Cour de cassation a eu l’occasion de se prononcer en l’espèce : la banque n’a pas mis en garde l’emprunteur, mais en avait-elle l’obligation ? Pour trancher, la Cour de cassation se fonde sur les critères d’appréciation de la situation financière de l’emprunteur.
Les critères d’appréciation de la situation financière de l’emprunteur
Pour savoir si elle est tenue à un devoir de mise en garde, la banque doit évaluer la solvabilité de l’emprunteur, c’est-à-dire vérifier qu’il sera en mesure de rembourser les échéances de crédit. Traditionnellement, les critères pris en compte sont les suivants : le patrimoine et les revenus, ainsi que les charges de l’emprunteur.
Dans son arrêt du 09 novembre 2022, la Cour de cassation précise que pour évaluer le patrimoine, il faut intégrer « la valeur du bien immobilier financé par l’emprunt, sous déduction du montant de la dette au jour de la conclusion du contrat ».
- En l’espèce : la Cour d’appel avait condamné la banque pour manquement à son obligation de mise en garde, estimant que la situation financière de l’emprunteur justifiait la mise en œuvre de cette obligation de mise en garde. La Cour de cassation n’est pas d’accord : il aurait fallu tenir compte de la valeur du bien immobilier financé par l’emprunt pour évaluer le risque d’endettement.
L’importance de faire évaluer le bien immobilier avant l’octroi d’un prêt
L’évaluation du bien immobilier financé par l’emprunt est indispensable à deux égards :
- La banque vérifie que le prix de vente est conforme à la valeur du bien, pour diminuer son risque et celui de l’emprunteur en cas d’impayés.
- La banque tient compte de la valeur du bien pour estimer la capacité financière de l’emprunteur, qui conditionne la mise en œuvre de son devoir de mise en garde.
Pour évaluer le bien immobilier avant l’octroi d’un prêt, la banque, conformément à l’ordonnance du 25 mars 2016, fait appel à un expert en évaluations immobilières.