Dans son rapport publié le 24 juin 2019, la Banque de France a lancé une alerte sur l’endettement des Français, ménages comme entreprises. Selon elle, à l’heure actuelle, le surendettement constitue le risque financier principal qui pèse sur l’économie française. Explications.
La hausse croissante de l’endettement des ménages et des entreprises
Les ménages et les entreprises recourent à l’endettement pour des raisons bien différentes.
– L’accessibilité des crédits pour les ménages
Avec des taux d’intérêt toujours plus bas depuis les années 2010, les signaux sont au beau fixe pour emprunter. Les particuliers tendent ainsi à accumuler les crédits même s’ils en ont déjà. Ces taux d’intérêt modérés permettent aussi à ceux qui ne pourraient pas emprunter en temps normal de le faire. Les banques relâchent les conditions d’octroi des crédits et allongent la durée globale des prêts.
Mais, cette situation n’est pas sans risques pour les ménages. Ceux qui sont déjà endettés s’endettent encore plus, quitte à se trouver en situation de surendettement. On parle de surendettement dès que l’endettement dépasse 33 % des revenus. La plupart du temps, il découle d’un surplus de crédit à la consommation (78,2 % des cas) et/ou de crédit immobilier (14,5 % des cas), en plus de l’accumulation des dettes du quotidien (loyer, électricité, etc.). Mais sans aller jusque-là, un fort endettement a déjà des effets pervers car il empêche les ménages de consommer.
Fin 2018, l’endettement des ménages représentait 1 403 milliards d’euros, soit 59,8 % du PIB.
– L’indispensable endettement des entreprises
L’endettement est vital pour le développement sain d’une entreprise. Il lui permet de créer des emplois, d’innover, de s’agrandir, de se constituer une trésorerie, etc. Les entreprises profitent aussi de cet environnement de taux d’intérêt bas, avec comme seul frein la maîtrise de la soutenabilité de leur dette.
Les chiffres dévoilés par la Banque de France montrent que l’endettement concerne toutes les tailles d’entreprises, ce qui est une spécificité française. En effet, la tendance générale dans la zone euro est à la baisse et à une certaine mixité des moyens de financement des entreprises (augmentation de capital, autofinancement, etc.). L’endettement pèse également essentiellement sur une petite partie d’entreprises fortement endettées, ce qui les rend particulièrement plus vulnérables en cas de remontée subite des taux.
Ce phénomène a déjà conduit le gouvernement à réagir pour modérer les risques en cas de retournement de la conjoncture. Dès 2018, les banques devront limiter leur exposition aux entreprises les plus endettées à hauteur de 5 % de leurs fonds propres.
Fin 2018, l’endettement du secteur privé est de 3 112 milliards d’euros, soit 132,3 % du PIB (45 points de PIB de plus qu’en 2000 !). L’endettement des sociétés non financières atteint 1 708 milliards d’euros, soit 72,6 % du PIB.
Les conséquences néfastes du surendettement des Français à long terme
Un surendettement élevé s’agglomère avec d’autres risques financiers et peut engendrer des déséquilibres.
– Le cumul avec d’autres risques financiers
À long terme, le rapport de la Banque de France pointe la dangerosité de l’agrégation des risques entre eux. Le risque d’endettement interagit ainsi avec 3 autres risques :
- Les risques de marché : dans un climat général propice, les emprunteurs sont plus confiants et optimistes. Ils se tournent plus facilement vers des emprunts à risque. Par exemple, les entreprises déjà endettées ont recours à des prêts risqués dits « à effet de levier » pour augmenter leur capacité d’investissement.
- Les risques de taux d’intérêt pour les institutions financières : des taux d’intérêt bas alimentent un certain pessimiste sur la solidité des banques. Pour les banques, de tels taux sont synonymes de marges faibles et donc d’une moindre rentabilité.
- Les risques liés à des changements structurels : de nouveaux risques émergent comme le cyber risque en matière de sécurité. L’entrée de nouveaux acteurs sur le marché (par exemple, les banques en ligne) introduit aussi une concurrence qui fragilise les banques.
– Les déséquilibres financiers structurels
À court et à moyen terme, l’endettement est bénéfique pour l’économie. C’est un des leviers de la croissance économique d’un pays.
En revanche, un endettement croissant des ménages comme des entreprises peut fragiliser l’économie, voire entraîner un risque de crise financière. Tout le monde se rappelle encore la crise américaine des « subprimes » en 2008 qui a conduit à la faillite de la grande banque Lehman Brothers. Des emprunts immobiliers risqués avaient alors été accordés massivement à des ménages peu solvables.
De l’avis général, le risque de survenue d’une crise financière est aujourd’hui assez virtuel car les conditions actuelles n’ont rien à voir avec celles de 2008. Pour autant, les autorités de régulation bancaire incitent à la prudence. En effet, si une crise financière devait subvenir, le refinancement par les banques serait difficile en raison du nombre élevé de crédits octroyés et donc du peu de liquidités disponibles. L’État lui-même aurait également dû mal à soutenir l’économie car il est très endetté avec une dette publique à hauteur de 98 % du PIB.
Si les risques financiers restent pour l’instant moindres, la Banque de France appelle néanmoins à enrayer la croissance incessante de l’endettement des Français.