Par un arrêt rendu le 2 juin 2022, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a clarifié les conditions requises pour la renonciation à une succession internationale. Selon la Cour, une déclaration de renonciation est valable dès lors qu’elle se conforme aux exigences prévues par la loi de l’État membre où elle a été faite.
Explications.
Quels étaient les faits ?
En l’espèce, un ressortissant néerlandais est décédé en Allemagne, son pays de résidence. Il laisse pour héritiers ses neveux et son épouse. Or, ces derniers résident aux Pays-Bas : il y a donc un élément d’extranéité. Les neveux et l’épouse du ressortissant néerlandais déclarent renoncer à sa succession devant le tribunal de La Haye, aux Pays-Bas.
La déclaration de renonciation étant rédigée en néerlandais, le tribunal allemand chargé de régler la succession a refusé de la prendre en compte et jugé que les héritiers du défunt avaient accepté la succession. Ces derniers ont alors produit une traduction de leur déclaration de renonciation, mais le tribunal l’a refusée au motif qu’elle n’a pas été présentée dans le délai requis par la loi allemande pour renoncer à une succession.
Un recours a ensuite été porté devant la CJUE.
La CJUE donne raison aux héritiers
Le 2 juin 2022, la CJUE a donné raison aux héritiers. En vertu des articles 13 et 28 du règlement n°650/2012 sur les successions internationales, une déclaration de succession faite par un héritier devant une juridiction de l’État membre de sa résidence habituelle est considérée comme valable lorsque les conditions de forme applicables devant cette juridiction ont été respectées,
Ainsi, une déclaration de renonciation à une succession produite par un héritier devant une juridiction de l’État membre de sa résidence habituelle est valable, dès lors qu’elle respecte les exigences de forme applicables devant cette juridiction.
Concrètement, cela signifie que les héritiers n’ont pas à réaliser de formalités supplémentaires devant les juridictions d’autres États membres, celles prévues par la loi de l’État membre où une telle déclaration est faite étant suffisantes.
Pour aller plus loin
Le professeur Pierre Callé, professeur de droit privé à l’université Paris-Saclay, rappelle que la loi applicable à une succession internationale est en principe la loi de la dernière résidence habituelle du défunt, en vertu des dispositions du règlement n°650/2012. En l’espèce, cela désignait la loi allemande.
Néanmoins, l’article 28 du règlement dispose que :
« Une déclaration concernant l’acceptation de la succession, d’un legs ou d’une réserve héréditaire ou la renonciation à ceux-ci, ou une déclaration visant à limiter la responsabilité de la personne qui fait la déclaration est valable quant à la forme lorsqu’elle respecte les exigences :
- a) de la loi applicable à la succession en vertu de l’article 21 [loi de la dernière résidence habituelle du défunt ou, à titre exceptionnel, loi de l’État avec lequel il présentait des liens plus étroits] ou 22 [choix de loi] ;
ou b) de la loi de l’État dans lequel la personne qui fait la déclaration a sa résidence habituelle. »
Une disposition qui doit être associée avec l’article 13 du même règlement, selon lequel les juridictions de l’État membre de la résidence habituelle d’un héritier sont compétentes pour recevoir une déclaration de renonciation.
Cela signifie concrètement que l’héritier qui renonce à sa succession peut le faire devant la juridiction où s’est ouverte la succession, ou devant les juridictions de son État de résidence. Ces dispositions permettent ainsi de simplifier les successions internationales, lorsqu’un ou plusieurs héritiers résident dans un autre Etat membre que celui où s’est ouverte la succession.
Lorsqu’un héritier choisit de faire une déclaration dans l’État membre de sa résidence habituelle, il lui revient d’informer lui-même l’autorité en charge de la succession de l’existence de cette déclaration dans le délai éventuellement fixé par la loi applicable à la succession (c’est l’article 32 du règlement n°650/2012).
Cependant, la CJUE estime dans son arrêt que le non-respect de ce délai ne devrait pas remettre en cause la validité d’une déclaration de renonciation.