La Cour de cassation confirme : l’absence de notification de l’assureur n’invalide pas la modification du bénéficiaire de l’assurance-vie effectuée par testament olographe
Pour rappel : le titulaire du contrat d’assurance-vie, conformément à l’article L132-8 du Code des assurances, peut désigner ou substituer le bénéficiaire au choix :
- Par avenant au contrat : dans cette hypothèse, le titulaire du contrat se rapproche de son assureur pour formaliser l’avenant et le signer.
- Dans les formes de l’article 1690 du Code civil, c’est-à-dire par signification à l’assureur ou par acte authentique.
- Par voie testamentaire.
C’est cette 3ème hypothèse qui est en jeu en l’espèce, dont les faits sont les suivants :
- Le titulaire d’une assurance-vie désigne en tant que bénéficiaire son fils, et à défaut son épouse.
- En 1982, le titulaire signifie la modification de la clause bénéficiaire à l’assureur, en faveur de l’épouse, par courrier.
- Au décès du titulaire, les sommes garanties sont versées à l’épouse par l’assureur.
- Le fils assigne l’épouse – devenue entretemps ex-épouse – en restitution du capital, sur le fondement de l’intention du père de le désigner in fine comme seul bénéficiaire. Le fils produit pour preuve un écrit de son père, daté de 1987.
La Cour d’appel de Paris accueille favorablement la demande du fils et oblige l’épouse à restituer les sommes. Elle se pourvoit en cassation. Dans un arrêt du 10 mars 2022, la Cour de cassation rejette le pourvoi.
Explications :
- Le titulaire du contrat d’assurance-vie peut modifier le bénéficiaire jusqu’à son décès. En cas de modifications successives, la dernière personne désignée est le bénéficiaire.
- Parmi les 3 possibilités pour modifier le bénéficiaire, la voie testamentaire permet de se passer d’une notification écrite à l’assureur.
- Dès lors que les conditions de validité du testament olographe sont remplies, l’écrit vaut modification du bénéficiaire, peu importe que l’assureur en ait eu connaissance avant le décès du titulaire.
Cette jurisprudence constante de la Cour de cassation est dans la lignée d’un précédent arrêt du 13 juin 2019.
Revirement de jurisprudence : la prescription biennale profite désormais à la caution du prêt immobilier
Dans un arrêt du 20 avril 2022, la Cour de cassation opère un revirement, pour adapter la jurisprudence à la réforme du droit des sûretés.
Pour rappel : l’article L218-2 du Code de la consommation pose le principe de la prescription biennale des actions des professionnels à l’encontre des consommateurs. À compter du prononcé de la déchéance du terme, la banque a 2 ans pour réclamer le remboursement du prêt à l’emprunteur. Quid de la caution ? La caution dans ce contexte n’est pas consommateur au sens de la loi, la question se pose donc : la prescription biennale bénéficie-t-elle à la caution du prêt immobilier ?
- L’article 2313 du Code civil, dans sa version antérieure à la réforme du droit des sûretés, est clair : la caution ne peut pas se prévaloir de la prescription biennale, qui est une exception personnelle au débiteur – seul le débiteur est considéré comme consommateur dans le contrat de prêt immobilier – et non une exception inhérente à la dette.
- Le nouvel article 2298, en vigueur depuis le 1er janvier 2022, modifie ce régime : « La caution peut opposer au créancier toutes les exceptions, personnelles ou inhérentes à la dette, qui appartiennent au débiteur ».
Les faits de l’espèce se déroulent antérieurement à l’entrée en vigueur de la réforme du droit des sûretés, et la Cour d’appel en est saisie également antérieurement. Pourtant, la Cour de cassation confirme la position de la Cour d’appel et rejette le pourvoi de la banque. Les motifs :
- Si la prescription biennale ne profite pas à la caution, l’emprunteur est également privé de son bénéfice dans le cas où la caution actionnée par la banque se retourne contre l’emprunteur pour obtenir le remboursement des sommes.
- Les cautions ayant souscrit leur engagement avant la réforme du droit des sûretés ne peuvent être traitées plus sévèrement. Or la caution peut désormais opposer à la banque les exceptions qui appartiennent au débiteur, de quelque nature qu’elles soient.
À noter que la Cour de cassation affirme en l’espèce que désormais, la prescription biennale constitue une exception inhérente à la dette.
La position de la Cour est ferme : l’extinction de la dette de l’emprunteur en application de la prescription biennale profite à la caution.