La saisie des biens a connu récemment deux évolutions jurisprudentielles. L’une porte sur la nature des droits de l’usufruitier déterminant ainsi l’étendue des droits des créanciers. L’autre s’interroge sur la possibilité d’une vente amiable après le prononcé d’une vente forcée.
Validité de la saisie d’un bien successoral par le créancier personnel d’un héritier
Une société civile immobilière est adjudicataire des biens d’une succession entre le conjoint survivant possédant l’usufruit et un quart en pleine propriété et le beau-fils, nu-propriétaire possédant les trois quarts restant en pleine-propriété. Suite à une créance impayée, la SCI poursuit le conjoint survivant en procédant à une saisie-attribution sur sa portion de droit correspondante.
Le 11 janvier 2018, la Cour d’appel de Paris ordonne la mainlevée de cette saisie en se référant à l’indivision existante entre le conjoint et le beau-fils. Elle invoque pour cela à la règle bien connue de l’article 815-17 du Code civil : les créanciers personnels ne peuvent pas saisir les fonds de l’indivision. Selon l’analyse de la Cour d’appel, la SCI est ici un créancier personnel du conjoint et elle ne peut toucher aux droits indivis.
Dans l’arrêt n°18-12.779 du 15 mai 2019 qui nous intéresse, la première chambre civile de la Cour de cassation censure les juges du fond en rappelant le droit propre du conjoint survivant.
En d’autres termes et selon une jurisprudence constante, la Cour de cassation n’admet pas l’indivision des droits du nu-propriétaire et de l’usufruitier car ils ne possèdent pas des droits identiques sur le bien. Pour la Haute Juridiction, l’usufruitier et le nu-propriétaire ont des droits indépendants et bien distincts l’un de l’autre.
En conséquence, les règles de l’indivision ne s’appliquent pas dans ce cas et la saisie-attribution est bien valable. Rien de nouveau ici, la Cour de cassation fait preuve de constance dans sa position. Elle entend surtout veiller à l’intégrité et à l’indépendance des droits de l’usufruitier et du nu-propriétaire.
-> Lire l’arrêt de la 1e chambre civile de la Cour de cassation du 15 mai 2019
La vente amiable est toujours possible même en présence d’une décision de vente forcée
Une société civile immobilière a signé une promesse de vente portant sur un immeuble objet d’une saisie sous condition suspensive de mainlevée des hypothèques et inscriptions ainsi que de radiation du commandement valant saisie du bien. Après réalisation de la condition suspensive, la SCI refuse finalement de signer la promesse de vente et en demande l’annulation.
Le 6 décembre 2012, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence déclare la promesse de vente nulle. La Cour de cassation dans un arrêt n°14-16.878 de la 2e chambre civile rendu le 9 avril 2015 rejette le pourvoi formé contre cet arrêt.
L’argument est limpide : il y a un jugement d’orientation qui a déjà ordonné de la vente forcée, il y aura donc vente forcée. Aucune autre modalité de vente comme la vente amiable n’est alors possible car elle n’avait pas été décidée par le juge. Autrement dit, c’est trop tard, il fallait demander la vente amiable avant le jugement d’orientation !
L’idée était sans doute ici d’éviter les manœuvres dilatoires allongeant la procédure. Mais force est de constater que la plupart du temps mieux vaut privilégier la voie amiable quand c’est possible. Notamment car elle se révèle plus simple et moins onéreuse qu’une vente forcée où l’immeuble est souvent vendu à bas prix.
Aussi, face à une telle position inflexible des juges, seule une loi pouvait faire bouger les lignes. C’est ce qui a été fait avec la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 modifiant l’alinéa 2 de l’article L. 322-1 du Code des procédures civiles d’exécution.
Désormais, en cas d’accord entre les parties (débiteurs et créanciers), la vente amiable est possible après l’orientation en vente forcée et jusqu’à l’ouverture des enchères.
On retrouve ici une position plus pragmatique et surtout apportant beaucoup plus de souplesse. La priorité est donnée au consentement de toutes les parties et finalement au but recherché par tous : faciliter la fin de la procédure.
-> Lire l’arrêt de la 2e chambre civile de la Cour de cassation du 9 avril 2015
-> Consulter le nouvel article L 322-1 du Code des procédures civiles d’exécution