Focus sur 2 arrêts intéressants rendus par la Cour de cassation fin 2018, l’un en droit des entreprises en difficulté et l’autre en droit des affaires et contrats.
Sanction de la confusion de patrimoines : la Cour de cassation valide l’extension de la liquidation au gérant
Une société est en état de cessation de paiements. Son gérant continue à imputer à la société des dépenses personnelles injustifiées, notamment une indemnité de gérance illicite et à laisser croître le solde débiteur de son compte courant d’associé.
Le liquidateur décide d’attaquer le gérant en extension de procédure collective pour confusion de patrimoines. La Cour d’appel de Nîmes statue le 27 avril 2017. Dans notre arrêt du 7 novembre 2018, n°17-21.284, la Cour de cassation casse partiellement sa décision.
D’abord, la Haute Juridiction rappelle les éléments caractérisant la confusion de patrimoines. Deux indices révèlent la volonté du gérant de confondre les patrimoines :
- L’existence de relations financières anormales,
- Un comportement non justifié par l’intérêt social de la société, ni par des engagements réciproques.
Ensuite, la Cour de cassation rejette la sanction mise en œuvre par la Cour d’appel, à savoir la faillite personnelle. Citant l’article L 653-8 du Code de commerce, elle affirme que la faillite personnelle ne peut pas être prononcée pour certaines fautes reprochées au gérant, en l’occurrence l’omission de demander l’ouverture d’une procédure collective dans le délai légal. Dans ce cas précis, ce n’est donc pas une mesure proportionnelle et adaptée.
Ainsi, elle préfère une sanction peu commune à la confusion des patrimoines du gérant et de la société : l’extension de procédure collective, ici la liquidation judiciaire, de la société au gérant. Cette décision montre la volonté de la Cour de cassation de punir sévèrement le dirigeant procédant à des mouvements financiers anormaux importants et réguliers en lui faisant supporter personnellement le fruit de ses malversations.
> Consulter l’arrêt de la Cour de cassation du 7 novembre 2018
Nullité d’une vente s’analysant comme une clause de voie parée destinée à contourner les procédures d’exécution
Une personne physique consent un prêt à une société. Le prêt de 900 000 € est garanti par une hypothèque sur un terrain de l’emprunteur. Le même jour, l’emprunteur et le prêteur signent une promesse synallagmatique de vente portant sur cette même parcelle au même prix de 900 000 €.
Une clause résolutoire prévoit que la promesse de vente sera nulle et non avenue si l’emprunteur rembourse le prêt à échéance. Le paiement d’une indemnité libératoire est également prévu.
Mais si le prêt n’est pas remboursé, la société devra céder l’immeuble à son créancier. C’est le cas ici et c’est ce qui pousse le prêteur à poursuivre la société pour que la vente soit déclarée parfaite.
Dans un arrêt du 20 décembre 2018 n°17-17.939, la 3e chambre civile de Cour de cassation valide en tout point la position de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence dans sa décision du 14 mars 2017.
La Cour commence par faire observer que le prêt comme la promesse de vente sont liés car ils avaient pour but d’assurer au prêteur une garantie efficace. Selon elle, le « compromis de vente » conclu entre le prêteur et l’emprunteur doit s’analyser comme étant en réalité une clause de voie parée destinée à faire échec aux règles des procédures civiles d’exécution.
Pourchassée par les juges dans les contrats, la clause de voie parée qui permet de s’affranchir des règles légales protectrices est illicite. En effet, la vente d’un bien nécessite normalement une autorisation judiciaire.
La clause aurait pu être acceptée si elle avait pu être qualifiée de pacte compromissoire. Mais, en l’espèce, les conditions des articles 2459 et 2460 du Code civil ne sont pas remplies. La Cour ajoute l’existence dans l’acte de conditions suspensives est sans effet sur le raisonnement global.
Finalement, la Haute juridiction veille au respect des règles du Code des procédures civiles d’exécution et notamment, au respect des règles de la saisie immobilière qui sont d’ordre public. Elle déclare donc la promesse de vente nulle et rejette le pourvoi du prêteur.