La Cour de cassation a récemment rendu 2 arrêts notables. Le premier rappelle les conditions pour invoquer l’obligation de mise en garde et l’exigence de proportionnalité en matière de cautionnement. Le second traite des pouvoirs du gérant de SCI dans la réalisation d’une vente immobilière.
1. Proportionnalité et obligation de mise en garde : la caution ne peut pas se dédire si facilement !
Les faits sont assez banals : une banque consent un prêt pour lequel le dirigeant de la société se porte caution solidaire. Suite à des créances impayées, la banque assigne la société débitrice en paiement puis la caution.
L’affaire est portée devant la Cour d’appel qui rejette les arguments de la caution. Dans un arrêt du 21 octobre 2020, la Cour de cassation va donner raison aux juges du fond.
- Premier moyen : la disproportion manifeste de l’engagement de la caution
La caution affirme que son cautionnement est manifestement disproportionné eut égard aux biens et revenus du dirigeant. Selon elle, ce caractère disproportionné s’apprécie au moment de la souscription du cautionnement comme au moment de sa mise en œuvre.
La Cour de cassation ne partage pas cet avis. Elle rappelle le droit en vigueur au moment des faits, c’est-à-dire l’article L. 341-4 du Code de la consommation dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 14 mars 2016.
Selon cet article, lorsqu’un cautionnement n’est pas manifestement disproportionné au moment de sa conclusion, le créancier peut s’en prévaloir sans avoir à rechercher la preuve que le patrimoine de la caution lui permet de faire face à son obligation au moment où elle a été appelée.
La disproportion s’apprécie donc bien au moment de la conclusion du cautionnement et non au moment où la caution est appelée à payer.
- Deuxième moyen : le manquement à l’obligation de mise en garde de la banque
La caution relève également la responsabilité extra-contractuelle de la banque en invoquant un manquement à son obligation de mise en garde. Cette obligation a pour but d’alerter la caution des effets possibles en cas de non-remboursement de ses dettes.
Mais pour invoquer un manquement au devoir de mise en garde de l’établissement de crédit, la caution doit rapporter la preuve que son engagement n’est pas adapté à ses capacités financières ou qu’il existe un risque d’endettement résultant de l’inadéquation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur.
En l’occurrence, le dirigeant de la société a remboursé les échéances de prêt pendant près de 2 ans avant sa mise en liquidation judiciaire. Aucun incident de paiement n’a eu lieu pendant cette période. Du reste, la société n’a pas prouvé suffisamment le manquement avec des pièces convaincantes.
La Cour de cassation rejette donc le pourvoi formé par la caution. Elle rappelle au passage qu’un prêt engage toujours son souscripteur et qu’il n’est pas si facile de se prévaloir de ces deux moyens fréquemment invoqués par les souscripteurs pour se défaire de leur engagement.
2. Le gérant d’une SCI ne peut pas vendre un bien seul
Dans cette affaire, une SCI promet de vendre un bâtiment à une autre société mais le gérant de la SCI refuse de signer l’acte authentique de vente. L’acheteur assigne donc la SCI en constatation de la vente et en paiement d’une clause pénale.
Le 28 mai 2019, la Cour d’appel de Rennes donne raison à l’acheteur. Elle s’appuie sur l’objet social de la SCI pour affirmer que le gérant de la SCI pouvait vendre le bien seul.
Elle estime ainsi que la notion de propriété visée par les statuts impliquait également le droit de disposer et d’aliéner un bien. Elle relève aussi que cette vente n’a pas épuisé l’objet social ni entraîné une disparition automatique de la société ou une modification des statuts qui auraient excédé l’objet social. Elle arrive donc à la conclusion que les statuts confèrent au gérant le pouvoir de vendre seul le bien.
Mais la Cour de cassation n’est pas de cet avis dans son arrêt du 5 novembre 2020.
Les statuts de la SCI précisent en effet que l’objet social de la société est « la propriété, la possession, la jouissance, l’administration, l’aménagement, la transformation et l’exploitation par bail, location ou autrement des terrains et immeubles ».
La Cour de cassation déclare donc que la Cour d’appel a dénaturé les statuts de la société car l’objet social ne mentionne pas spécifiquement la vente d’immeuble.
En conséquence, l’objet social n’incluant pas clairement la vente d’un bien, le gérant n’a pas le pouvoir de réaliser cet acte seul. Pour vendre sans excéder ses pouvoirs, il doit obtenir un accord préalable de ses associés.
La Cour de cassation a donc cassé et annulé l’arrêt de la Cour d’appel de Rennes, remettant les parties dans leur état antérieur à cet arrêt.
Notons néanmoins que la délimitation des pouvoirs du gérant dépend entièrement de la rédaction de l’objet social de la société. À quelques mots près, la solution présentée ici peut être caduque !