Le contentieux bancaire laisse parfois planer le doute sur les délais de prescription… Voici les récents éclaircissements apportés par la Cour de cassation dans un arrêt du 11 décembre 2019.
La caution invoque la prescription de la dette…
Les parents se sont portés caution solidaire d’un prêt immobilier pour leur enfant. Ils ont consenti une hypothèque comme garantie de cet engagement. Leur enfant ne pouvant plus payer les échéances de prêt, la banque a assigné les parents en paiement des mensualités de prêt. Mais les parents opposent à la banque son action tardive pour ne pas payer…
L’affaire est portée devant la Cour d’appel de Besançon. Dans son arrêt du 10 avril 2018, la Cour d’appel leur donne tort et valide le commandement de payer valant saisie immobilière délivré par la banque.
Mais les parents décident de se pourvoir en cassation contre la banque. Leur argument est le suivant : selon l’article 2313 du Code civil, la caution peut opposer toutes les exceptions au créancier lorsqu’elles sont inhérentes à la dette et appartiennent au débiteur principal.
Selon eux, la prescription de la dette de leur fils fait partie de ces exceptions. Et comme la prescription de cette dette est soumise à une prescription spéciale de 2 ans, la banque se trouve hors délais pour demander le paiement.
… Mais la prescription biennale de l’acquéreur n’est pas applicable à la caution
La première chambre civile de la Cour de cassation ne validera pas cet argument. Dans son arrêt n° 18-16147 rendu le 11 décembre 2019, elle va dans le sens de la Cour d’appel.
Elle affirme ainsi que la prescription n’est pas inhérente à la dette dans le cas présent. C’est une exception purement personnelle au débiteur. La prescription biennale invoquée par la caution appartient donc uniquement au débiteur. Elle ne peut pas être reprise par la caution et opposée à la banque.
Énoncée à l’article L. 218-2 du Code de la consommation, cette prescription spéciale est plus courte que la prescription de droit commun. Elle vise à protéger le consommateur auquel un professionnel fournit un service ou un bien. Le consommateur est en effet toujours moins avisé qu’un professionnel averti et doit à ce titre être mieux protégé par le droit.
Pour autant, cette prescription n’a pas vocation à être applicable partout et pour tous… En l’espèce, la caution ne s’est vue fournir aucun service.
Aussi, la prescription biennale dérogeant au droit commun n’est pas valable ici. La bonne prescription à appliquer dans cette affaire est donc bien la prescription quinquennale de droit commun, prévue notamment par l’article L. 110-4 du Code de commerce.
Finalement, la Cour de cassation rejette le pourvoi des parents et les condamne à payer leur dette puisque le délai de 5 ans n’est pas encore écoulé !
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L’existence de plusieurs délais de prescription fait parfois naître un certain trouble autour de la durée de prescription dans les contentieux « mixtes » comme ici, à mi-chemin entre le droit des sûretés et le droit de la consommation.
Mais la Cour de cassation veille au grain en s’assurant que le spécial ne devienne pas l’ordinaire… En tout cas, la position retenue dans cet arrêt ne surprend pas par rapport à sa jurisprudence habituelle.