Ce n’est pas un scoop, depuis plusieurs mois déjà, les taux d’intérêt sont au plus bas favorisant les prêts immobiliers en France mais aussi dans beaucoup d’autres pays. Si c’est effectivement le bon moment pour concrétiser son rêve d’accession à la propriété, ces taux d’intérêt historiquement bas pourraient bien se retourner contre certains emprunteurs… Explications.
Un contexte économique idéal pour devenir propriétaire
1,25 % : c’est le taux d’intérêt moyen d’un crédit accordé en juin 2019 !
Encouragés par un contexte économique général très favorable, les taux d’intérêt chutent en France. La situation devrait se prolonger car la Banque Centrale Européenne (BCE) a déclaré maintenir ses taux directeurs à un niveau assez bas au moins jusqu’à fin 2020. Bonne nouvelle pour les emprunteurs qui devraient en profiter !
La baisse des taux d’intérêt des crédits immobiliers bénéficie à tous les ménages. Les meilleurs dossiers peuvent prétendre à des crédits autour de 1 %. Les ménages qui n’avaient jusqu’alors pas les moyens d’emprunter peuvent désormais le faire. Actuellement, ce sont les ouvriers et les employés mais aussi les primo-accédants qui empruntent le plus. Les investisseurs souhaitant placer leur argent dans la pierre sont également concernés par la chute des taux.
Dans ce contexte de taux directeurs bas, les banques se livrent à une rude concurrence commerciale pour attirer les futurs propriétaires. Les conditions d’octroi d’un crédit immobilier aux particuliers ont ainsi tendance à se relâcher. Par exemple, les établissements bancaires sont beaucoup moins regardants sur le pourcentage d’apport personnel de l’emprunteur.
Il est désormais plus facile d’emprunter pour un montant plus élevé, souvent étalé sur une durée plus longue. Le montant moyen des crédits est en hausse. Alors qu’il atteignait 163 600 euros en 2009, il est passé à 220 226 euros début 2019. Quant à la durée moyenne d’un prêt immobilier, elle est de 228 mois en juillet 2019. C’est environ 30 mois de plus qu’en 2014 !
Conséquences directes, les délais s’allongent auprès des banques et des courtiers, débordés par la situation… Mais, ces effets globalement positifs s’accompagnent néanmoins de conséquences plus insidieuses.
Les effets indésirables accompagnant les taux d’intérêt bas
Si le marché immobilier se porte bien pour l’instant, certaines instances comme l’Autorité de Contrôle Prudentielle et de Résolution (ACPR) et la Banque de France tirent néanmoins la sonnette d’alarme. L’ACPR incite les banques à plus de prudence dans l’octroi des crédits pour éviter les risques de surendettement des ménages les plus fragiles mais pas uniquement.
D’abord, la continuité des taux d’intérêt bas pourrait conduire à long terme à un risque de crise financière. En effet, si c’est une bonne nouvelle pour les acheteurs, ça l’est moins pour les banques qui pâtissent d’une réelle baisse de leurs marges. Si la situation venait à se pérenniser, les banques pourraient être fragilisées par cette pression sur leurs marges qu’elles auraient du mal à compenser.
De plus, pour les futurs propriétaires aussi la situation pourrait se compliquer à l’avenir. La forte demande de biens immobiliers fait monter les prix du marché dans certains secteurs très demandés. Devenir propriétaire pourrait devenir plus compliqué. Et c’est d’autant plus vrai en raison d’une autre variable : le taux d’usure.
Établi par la Banque de France, le taux d’usure est le taux maximal autorisé pour prêter. Il correspond au TAEG (taux annuel effectif global qui englobe le taux nominal mais aussi les frais annexes comme l’assurance emprunteur, etc.). Il varie selon la durée du prêt et se situe en juillet 2019 entre 2,72 % et 2,97 % pour des prêts à taux fixes entre 10 et 20 ans.
La baisse des taux d’intérêt des crédits immobiliers s’accompagne logiquement d’une chute des taux d’usure. En conséquence, même avec un taux d’intérêt intéressant, une demande de crédit peut être bloquée de façon mécanique en raison d’un dépassement du taux d’usure légal. Initialement pourtant, le taux d’usure visait à protéger les acheteurs, mais aujourd’hui, il écarte certains emprunteurs. Ces derniers sont solvables mais présentent des profils à risque (entrepreneurs, seniors, personnes ayant des problèmes de santé, etc.) qui font grimper l’assurance emprunteur et donc les taux d’usure… Conséquence, le dossier de prêt ne passe plus auprès de la banque.
Enfin, en cas de remontée des taux, il y a un risque d’« effet ciseau ». En cause, le mode de calcul des taux d’usure qui sont fixés avec un décalage de quelques mois. Les taux d’usure mettraient ainsi plus de temps à remonter par rapport aux taux d’intérêt, ce qui impacterait de façon défavorable les emprunteurs.
Actuellement, la plupart des experts s’accordent à dire que ce contexte des taux d’intérêt bas risque de durer encore. Pour s’adapter, la révision du mode de calcul des taux d’usure semble indispensable.