Le 20 octobre 2021, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation est saisie sur la question récurrente de la prescription des créances à exécution successive. La Haute juridiction se prononce dans la lignée d’une jurisprudence constante depuis 2016, tout en apportant des précisions.
- L’action en paiement des mensualités de crédit se prescrit dans les 2 ans à compter de la date d’échéance de chaque mensualité impayée.
- L’action en paiement du capital restant dû se prescrit dans les 2 ans à compter de l’exigibilité de la dette, or le décès de l’emprunteur ne provoque pas automatiquement cette exigibilité.
Les faits en l’espèce
Le 31 octobre 2016, la banque accorde 2 prêts à l’emprunteur.
Le 07 mai 2015, l’emprunteur décède alors que les prêts ne sont pas remboursés. La banque met en demeure les héritiers ayant accepté la succession de rembourser le capital restant dû, sans succès.
Le 05 décembre 2017, la banque prononce la déchéance du terme puis fait délivrer aux héritiers un commandement de payer aux fins de saisie-vente, 1 an plus tard. Soit plus de 2 ans après le décès de l’emprunteur.
- Les arguments des héritiers pour motiver leur opposition à la saisie-vente : l’action en paiement du capital restant dû, engagée plus de 2 ans après le décès de l’emprunteur, est prescrite. En appel, les juges du fond affirment que la créance est exigible au décès de l’emprunteur, dans la mesure où la banque à cette date avait connaissance de l’identité des héritiers. Selon la Cour d’appel, le point de départ de la prescription est ainsi au jour du décès de l’emprunteur.
La motivation de la Cour de cassation pour casser l’arrêt de la Cour d’appel : « à l’égard d’une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l’égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que, si l’action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d’échéance successives, l’action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité, y compris en cas de décès de l’emprunteur ».
La Cour de cassation précise le point de départ de la prescription du capital restant dû en cas de décès de l’emprunteur
- La prescription commence à courir au jour de l’exigibilité de la créance.
- Seule la déchéance du terme entraîne l’exigibilité de la créance.
En l’espèce, la banque prononce la déchéance du terme le 05 décembre 2017. Lorsque la banque fait délivrer un commandement de payer 1 an plus tard, la créance n’est pas prescrite.
Cette solution est conforme au droit des successions : la dette de l’emprunteur, à son décès, figure dans la masse successorale à partager entre les héritiers. Ces héritiers qui se substituent au défunt dans ses droits et ses obligations, dont l’obligation de rembourser la dette au terme exigé.
La Cour de cassation rappelle le principe de la division de la prescription des mensualités de crédit
Dans cet arrêt, la Haute juridiction en profite pour rappeler les modalités d’application de la prescription de la créance à exécution successive. La créance à exécution successive est envisagée comme une pluralité de créances : chaque échéance exigible fait courir son délai de prescription.
A retenir
Au décès de l’emprunteur, la banque demande le remboursement du prêt souscrit aux héritiers acceptants. A défaut de paiement, la banque peut prononcer la déchéance du terme : l’action en paiement se prescrit par 2 ans à compter de la déchéance du terme, la banque a donc intérêt à délivrer dans ce délai un acte interruptif de prescription. A noter que lorsque les héritiers ne sont pas identifiés, le point de départ de la prescription est différé.