13 milliards d’euros dormiraient sur des contrats de retraite supplémentaire non-liquidés en France. Mais pour que leurs bénéficiaires puissent en profiter, encore faut-il qu’ils le sachent ! C’est pour cette raison qu’une proposition de loi sur la déshérence de l’épargne retraite a été adoptée le 17 février 2021.
Pourquoi une loi contre la déshérence des contrats de retraite ?
La proposition de loi du 17 février 2021 s’inscrit dans la lignée de la loi Eckert du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance-vie en déshérence. La loi Eckert vise à mieux protéger les épargnants. Elle a notamment permis la mise en place du site Ciclade. Ce service en ligne centralise tous les contrats d’assurance-vie, les plans d’épargne salariale et les comptes bancaires non-réclamés par leurs bénéficiaires. Mais cette loi ne s’applique pas aux contrats de retraite supplémentaire car elle ne concerne que les contrats comportant un terme explicite.
De plus, il existe un réel problème de communication autour de ces contrats de retraite supplémentaire. À son arrivée dans l’entreprise, le salarié signe de nombreux documents. Parmi eux, se trouve parfois un contrat de retraite de type PER, PERCO, contrats dits article 83 ou article 39. Parfois, il n’est même pas conscient de souscrire à ce contrat car il est souscrit par l’entreprise elle-même. Dans tous les cas, les oublis sont fréquents pour des contrats remontant à plusieurs années. Et la situation se répète à chaque fois que le salarié change d’employeur. Ce phénomène de déshérence touche également les contrats souscrits par les indépendants (contrats Madelin) ou individuellement par le salarié.
Les assureurs soulignent aussi les nombreux obstacles pouvant gêner l’identification des propriétaires au fil des années : changement de nom, d’adresse ou d’employeur, disparition de l’entreprise… La seule solution restant aux salariés est de reprendre contact avec chacun de leurs employeurs pour retrouver les contrats souscrits. Une démarche pour le moins fastidieuse.
Notons également que l’épargne retraite en déshérence ne profite à personne. Le délai de transfert à l’État est très long : 10 ans après le 120e anniversaire de l’héritier. Les retraités n’en profitent pas non plus alors que cet argent inutilisé pourrait augmenter leur pouvoir d’achat. Pour autant, il ne faut pas rêver : ces contrats représentent souvent de petites sommes d’argent.
Mais les sommes totales de cette épargne accumulée n’en donnent pas moins le tournis. Selon le rapport au Parlement de l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) en date du 24 mai 2018, il y aurait environ 13,3 milliards d’euros sur des contrats de retraite non-liquidés après l’âge légal de 62 ans ! Après quelques années, cette somme diminue pour atteindre 5,4 milliards d’euros après 65 ans et 1,8 milliard d’euros après 70 ans.
Il était donc temps d’introduire une loi pour remédier à cette situation. C’est ainsi que la proposition de loi sur la déshérence des contrats de retraite supplémentaire a été adoptée sans modification en deuxième lecture par les députés le 17 février 2021.
Les 2 changements majeurs de la nouvelle loi contre la déshérence de l’épargne retraite
Désormais, il sera beaucoup plus simple pour l’assuré de se renseigner sur l’existence d’un contrat d’épargne retraite.
Premièrement, sur le même modèle que le site Ciclade, la loi propose l’élargissement des missions de la plateforme info-retraite. Ce service en ligne permet déjà aux salariés d’accéder à des informations sur leur retraite de base et leur retraite complémentaire.
Gérée par le groupement d’intérêt public (GIP) Union Retraite, cette plateforme rassemblera désormais les informations sur les contrats de retraite supplémentaire. Elle fonctionnera grâce aux renseignements transmis chaque année par les gestionnaires de contrats retraite (assureurs, mutuelles, institutions de prévoyance, établissements de crédit…). Ces informations devraient permettre de faciliter l’identification des bénéficiaires des contrats de retraite et d’éviter de perdre leur trace.
Deuxièmement, les entreprises devront également participer davantage à l’information des salariés. Ainsi, lors du départ du salarié de l’entreprise, l’employeur devra lui remettre un état récapitulatif ou solde de tout compte des éventuels contrats de retraite. Cette obligation d’information constitue une véritable mesure de prévention de la déshérence des contrats.
Les limites à la recherche des bénéficiaires des contrats de retraite
Seul bémol aux mesures qui vont être mises en place par cette loi : les bénéficiaires devront eux-mêmes faire la démarche d’aller voir sur le site info-retraite pour s’assurer qu’ils ne détiennent pas un contrat de retraite supplémentaire.
Mais c’est un moindre mal car les démarches leur seront grandement facilitées. De plus, le GIP Union Retraite s’engage à faire une partie du chemin vers les bénéficiaires en mettant en place une campagne de communication pour les inciter à se renseigner (e-mail, bandeau publicitaire sur le site, etc.).
D’autres propositions comme le recours à des généalogistes pour les contrats transférés à la Caisse des dépôts et des consignations pour retrouver les bénéficiaires ont été abandonnées. Une telle mesure a été jugée trop coûteuse et trop longue à mettre en place pour un faible retour sur investissement.
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Cette loi ne sonnera sans doute pas la fin de la déshérence des contrats de retraite mais permettra néanmoins de réunir toutes les conditions pour qu’ils retrouvent leurs propriétaires.